Médias, Google et Microsoft, une belle histoire d'amour

Sur plus de 50 médias, près de la moitié hébergent leurs emails chez Google et Microsoft. Le phénomène touche une partie de la presse nationale et quelques pure players (dont Next INpact, pour lequel je travaille).

Comment le sais-tu ?

Le découvrir est bien plus simple qu'on ne pourrait le croire. La plupart des médias fournissent à leurs journalistes des adresses associées à leur nom de domaine, par exemple lemonde.fr ou streetpress.com.

Pour fonctionner, ces noms de domaine déclarent publiquement où diriger le trafic. Soit pour amener les visiteurs du site vers les bons serveurs, soit pour envoyer et recevoir les emails via le bon service (Exchange, Gandi, Gmail, Outlook...). Ces enregistrements DNS sont très faciles à lire, via le programme dig.

L'idée de cette petite étude m'est venue d'un tweet d'aeris. Je lui ai donc fourni une liste de domaines de médias, dont il a obtenu les serveurs email en deux temps, trois mouvements.

25 médias sur 53 chez Gmail ou Outlook

Les 53 médias proviennent du classement ACPM, avec quelques ajouts personnels.

18 noms de domaine renvoient vers Google, 7 vers Outlook, 5 vers Gandi et 3 vers Euro-Information (e-i.net).

Des groupes de presse comme Le Monde (Le Monde et Télérama) confient les emails de plusieurs titres à Google. La presse nationale, en général, semble vraiment aimer cette offre : L'Opinion notamment l'utilise.

C'est aussi le cas de médias web (Gamekult, Jeuxvideo.com, Slate...) et de titres régionaux (La Dépêche, Nice Matin et Sud Ouest).

Même topo pour Outlook : Le Courrier Picard, La Provence, La Voix du Nord, LCI, L'Express et Libération s'appuient sur Microsoft.

Les serveurs mail de 7 médias sont masqués par des services de protection contre les attaques, comme ceux de Barracuda Networks, Proofpoint et Vade Secure. Le groupe Le Parisien-Les Échos renvoie ainsi pphosted.com, un domaine de Proofpoint.

Petite surprise : Alternatives Economiques, Arrêt sur images, La Croix, Les Jours et Streetpress utilisent le serveur email de Gandi, qui inclut le service de base avec webmail et serveur IMAP.  Les 5 noms de domaine sont enregistrés chez Gandi, sans surprise.

Praticité contre dépendance

L'intérêt de la G Suite de Google et d'Office365 de Microsoft est évident. Pour quelques euros par mois, par utilisateur, les entreprises obtiennent une large suite bureautique et des services email déjà connus des utilisateurs. Gmail et Outlook sont toujours parmi les plus utilisés dans le monde.

La contrepartie est aussi limpide : les données sont confiées à ces deux mastodontes, la plupart du temps en clair. Bien entendu, ils sont tenus de ne jamais y jeter le moindre coup d’œil. Surtout, au-delà de cette crainte théorique, ces médias se placent en dépendance technique de ces deux entreprises, et de leurs éventuels changements.

C'est donc un calcul très pragmatique, en troquant la gestion fastidieuse de ces outils en interne contre cette dépendance. Cela ne veut pas dire que tous les autres services de ces suites sont utilisés, voire que c'est un mauvais choix. Gmail et Outlook fournissent même des moyens de blinder le compte des personnes les plus exposées.

De même, certains journalistes sont habitués à passer par des adresses tierces (par exemple via ProtonMail) ou à chiffrer le contenu des messages instantanés et emails sensibles.

Il reste que cet exode massif, surtout quand il est porté par de grands groupes comme Le Monde (pour lequel j'ai travaillé, histoire d'être transparent), pose de sérieuses questions sur leur gestion informatique et l'absence d'offres européennes, voire auto-hébergeables, aussi attrayantes.

La liste complète

Hop.